Le Non-Être
Ce n’est pas que ce n’est pas de sa faute, c’est de la nôtre. Lui, il n’y est pour rien. Il fallait faire ça, c’est ça qu’il fallait faire, dit-il. On lui répond que c’était précisément la tâche qui lui était attribuée ; « Et on ne l’a pas fait ? », s’étonne-t-il.
Dès qu’il pourrait exister, il se laisse absorber par le « on » tapi dans l’ombre.
Son néant produit beaucoup de bruit. Il critique énormément chaque gouvernement, mais ne vote pas et s’en vante. Sa méfiance s’étend à tous ceux qui font ce que lui ne fait pas : exister. Il s’autoproclame atypique. Cela ne l’empêche pas d’être de toutes les parties, car il a d’excellents conseils à prodiguer à chacun, quelle que soit sa spécialité. Il s’émerveille de la naïveté de ses contemporains. Il est incapable de différencier la naïveté de ses négations. Il sait bien, lui, que votre femme ne vous aime pas, que tel artiste n’a aucune sincérité, qu’aucun avion n’est tombé sur le Pentagone, que Shakespeare n’est pas l’auteur de son œuvre et que d’ailleurs il n’a pas existé, à son exemple.
Il est le non-être, et il en est fier.
Les Nouveaux Caractères (recueil de textes de différents auteurs autour des Caractères de La Bruyère)