«Le Matin» sabre le champagne avec Amélie Nothomb
Amélie Nothomb, ambassadrice du champagne en terre helvétique? Cette «petite fantaisie» a été évoquée voici un an par le Bureau suisse du champagne. Elle a été concrétisée hier dans un salon feutré de l'Ecole hôtelière de Genève.
(Joël Cerutti)
Devant un parterre d'invités et de journalistes, la célèbre romancière a fait mousser la cause des non moins prestigieuses bulles durant deux heures. Sans cacher un enthousiasme très enfantin. Quand le cuisinier crée une meringue de champagne à -196 degrés, elle marque sa joie par des «Oui, oui!», «Trop bon!» ou «C'est trop sublime!».
Car Amélie Nothomb a le champagne dans le sang diplomatique. «J'étais une enfant d'ambassade, un lieu où le champagne coule à flots. Je n'étais pas surveillée. Dès 3 ans et demi, je ne compte plus les verres à demi pleins ou à demi vides que j'ai avalés», témoigne-t-elle devant l'assemblée.
Piscine de champagne
De sa première gorgée de champagne, elle s'en souvient! «Je changeais de règne, nous décrit-elle, je passais de la limonade à un autre ordre...» Ce breuvage, qui «a des effets mentaux intéressants», elle le fera pétiller dans sa gorge jusqu'à 13 ans. Puis elle souhaite être «quelqu'un de bien et d'adulte». Ceinture sur le champagne jusqu'au 11 septembre 2001 où elle est «persuadée que l'Apocalypse arrive»! «Rien de tel que d'arrêter une addiction, puis de la recommencer. Maintenant, je n'arrêterai plus!»
Elle le prouve par plein d'exemples. Sous sa plume, elle case du champagne à dose modérée ou pas. Dans son avant-dernier, «Le fait du prince» (2008), elle place son fantasme d'une piscine de champagne. «Les personnages de ce roman m'ont appris le sens de ma démarche littéraire. Je me battrai jusqu'au bout pour que l'on organise des dégustations démocratiques pour donner aux gens le goût du très, très bon champagne.»
Pas question pour elle d'écrire sous douce ivresse. «Cela ne marche pas... Toute la difficulté est d'écrire entre la quinzième et la seizième gorgée, d'où la brièveté de mes romans... Mais on ne peut pas s'arrêter non plus de boire après la dix-septième ou dix-huitième gorgée.» A 13 h 45, dans le salon genevois où les grands crus rivalisent en saveurs, Amélie Nothomb pense être à la 260e gorgée... Auparavant, elle se pourlèche les babines en découvrant le filet de canette version nem au sniff de cannelle. Elle envisage de se mettre à la littérature moléculaire. Fine bouche, notre romancière compare pourtant la cuisine à «de la science-fiction». «C'est comme passer mon permis, cela a fait des désastres qui ont coûté beaucoup d'argent...»
Son ami lui a interdit formellement de pénétrer dans la cuisine. Inconditionnelle du Dom Pérignon 1976, Amélie Nothomb finit par se servir de sa coupe comme d'un micro. «La porte-parole du champagne, c'est vous, aujourd'hui», récupère un des organisateurs. Dans sa pétillante partition de flûtes, Amélie Nothomb prône «qu'il faut être ivre et lucide tout le temps». «Cette lucidité nous apprend que tous nos soucis sont dérisoires.» On la quitte sur une question intensément philosophique. Elle aimerait être un chat mais les félins boivent-ils du champagne? «J'en suis sûre! S'ils pouvaient choisir ce qu'ils prennent dans leurs écuelles, ils boiraient ça...»
